octobre 2014
15 x 20 cm
72 pages
978-2-84809-241-6

13 €
L'orang-outan
du capitaine Van Iseghem

Jean-Charles Cozic

Ramené de Sumatra à Nantes par le capitaine de navire Van Iseghem puis convoyé en berline-poste jusqu’au Jardin des plantes à Paris, il n’avait que quelques mois quand il devint une célébrité. Le tout-Paris a défilé devant lui ; Mérimée et Stendhal l’ont trouvé craquant ; l’Académie des sciences lui a consacré plusieurs séances, le sculpteur Jean-Pierre Dantan l’a introduit dans sa collection de statuettes et le Théâtre des Funambules lui a joué la pantomime. C’est en l’observant dans sa cage que le grand naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire – celui qui achemina la célèbre girafe Zarafa – arriva, avant Darwin, à la conclusion que l’espèce humaine ne doit pas être tenue à l’écart des autres mammifères.

Jean-Charles Cozic est journaliste et passionné d’histoire. Au fil d’une enquête très documentée, il revient dans ce récit foisonnant, sur les grands enjeux d’un 19e siècle entreprenant, épris d’aventures maritimes, de découvertes scientifiques, de réflexions philosophiques mais aussi d’art et de littérature.
la lecture d’Alain Croix

L’orang-outan du capitaine Van Iseghem


Enlevé, amusant, plaisant: diable, un tel livre n’est déjà pas courant de nos jours. Et quand en plus il effleure des questions aussi essentielles que la confrontation entre le créationnisme et un transformisme qu’on n’appelle pas encore darwinisme…

Un livre d’histoire avant tout pourtant. D’histoires
: la grande, et la petite, celle d’un orang-outan. Le mariage des deux est un bel exercice, comme on sait en faire aujourd’hui. Soit un sujet, n’importe lequel. Ce pourrait être une couleur: qui, avant Michel Pastoureau, songeait à écrire des livres, et quels livres! sur un sujet en apparence aussi futile ou farfelu? Ce pourrait être un personnage obscur, ou la casserole, ou le kiwi. Va donc pour l’orang-outan.

Et donc, sur ce sujet étrange, la mobilisation d’un savoir-faire mais aussi de toutes les sources possibles
: archives, presse (l’auteur est journaliste, et cela se sent, ne serait-ce qu’à l’amour du vocabulaire), littérature et aussi un peu, ce que notre auteur tait trop pudiquement, internet, puisque j’ai retrouvé des formules empruntées à cet outil. Cela a des allures de recette de cuisine, mais ce serait une bien grosse erreur de bouder. D’abord parce qu’on y découvre des perles: eh oui, Flaubert, comme chacun ne le sait pas, a écrit sur l’orang-outan, et Stendhal, et Jules Verne; et le trop oublié sculpteur Jean-Pierre Dantan, l’homme des portraits-charges. Ensuite, pour les réalités du temps: 1836 pour l’essentiel, à Nantes, à Paris ou… à Sumatra. Encore, parce que, et c’est un rare talent, nous sont offerts de vivante et profonde manière quelques-uns des enjeux idéologiques du temps: il est infiniment plus plaisant de lire Cozic qu’un austère traité pour comprendre le débat entre le pauvre Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire. Enfin et surtout peut-être, parce qu’on ressent, presque à chaque page, l’immense plaisir que l’auteur a pris à écrire.

Reste ce capitaine Van Iseghem, qui n’est donc pas qu’un boulevard nantais. Le livre aurait pu s’intituler
La terrible vengeance de l’orang-outan. Cela aussi aurait été très 19e siècle, mais en dévoiler plus serait priver le lecteur de la découverte d’un crissant épilogue…
À lire et à offrir sans modération.


Alain Croix, Place publique #48, novembre 2014

interview
le journaliste Jean-Charles Cozic relate l'arrivée du premier orang-outan à Nantes


L’orang-outan du capitaine Van Iseghem


Le petit livre de Jean-Charles Cozic, pimenté et documenté, nous plonge sur les traces d'une bête et d'un siècle oublié.

Presse Océan : Pouvez-vous résumer cette histoire d'orang-outan ?
Jean-Charles Cozic : « Il s'agit du premier orang-outan vivant jamais exposé en France. Il fut ramené de Sumatra à Nantes par le capitaine de navire Van Iseghem. convoyé en berline-poste jusqu'au jardin des plantes à Paris, le dimanche 15 mai 1836, jour d'une éclipse du soleil, il n'avait que quelques mois quand il devint célèbre. Le tout-Paris a défilé devant lui : Mérimée et Stendhal l'ont trouvé craquant ; l'Académie des sciences lui a consacré plusieurs séances… Ce livre raconter sa dramatique histoire et celle de son capitaine Van Iseghem »

Qui était le capitaine Van Iseghem ?
« Sa famille, originaire de Bruges, habite sur l'Île Gloriette. Le père est venu à Nantes à la fin du XVIIIe et a épousé la fille d'un avocat général à la Chambre des comptes de Bretagne. Le 14 février 1804, elle lui a donné des jumeaux dont notre capitaine, Andronic Célestin. Il était, dit un ami, courageux, imprudent même, généreux et fidèle »

Que représentait, en France, un orang-outan en 1830 ?
« Dans les années 1820, un petit livre « Jocko » est à l'origine d'un formidable engouement pour l'orant-outan et d'une vogue qui donne son nom à toutes sortes de produits dérivés dont un pain. En France, en Angleterre, la mode – qui gagne toute l'Europe – est alors aux animaux exotiques. Au mois de mai 1836, l'éléphanteau Kjouni est une véritable stars à Nantes. Il est exposé dans une case quai de La Fosse et monte, le soir, sur les planches du théâtre Graslin ».

Qu'en pensait alors Geoffroy de Saint-Hilaire, le grand naturaliste ?
« Il est perplexe devant l'orang-outan. Tout comme Marion de Procé, le médecin qui l'a examiné à Nantes, il s'interroge sur le je-ne-sais-quoi d'humain répandu sur sa physionomie. En l'observant dans sa cage, il conclut à la nécessité de revoir ce qu'il a pu écrire par le passé et arrive, avant Darwin, à la conclusion que l'espèce humaine ne doit pas être tenue à l'écart des autres mammifères ».

Bio express
Jean-Charles Cozic, 68 ans, né à Morlaix, ancien journaliste à Presse Océan. Co-auteur avec Daniel Garnier de « La Presse à Nantes » (L'Atalante) ainsi que « Des hommes de caractère».


Propos recueillis par Stéphane Pajot, Presse Océan du 20 novembre 2014